04 avril 2022

Point focal de l’expérience et digital : le totem et son ciment

Au cours de nos quelques années de design de services en tous genres, nous avons acquis au moins deux convictions majeures : si l’on veut espérer un succès il faut absolument soigner le point focal d’une expérience de service. Et pour l’immense majorité des services contemporains, il faut absolument soigner la dimension digitale.

Point focal de l’expérience : le totem

Nous nommons « point focal d’une expérience » le point de contact principal d’une expérience de service. Principal par sa qualité de totem : l’objet qui va capter l’attention des utilisateurs/usagers, devant tous les autres. Dans de nombreux cas, il s’agira de l’application mobile ou de la plateforme web qui permet d’actionner le service, de s’identifier, de bénéficier du service — et dans bon nombre de ces nombreux cas d’ailleurs, le service se limite essentiellement à la fameuse application mobile ou à la fameuse plateforme web. Dans les cas où l’on va devoir designer de multiples points de contact pour un service, il est intéressant de regarder ce qui constituera le point focal (ou les éventuels points focaux) pour se rappeler d’y prêter l’attention, le budget et la priorité nécessaires, avant de se disperser.

y prêter l’attention, le budget et la priorité nécessaires

Une expérience de service se déroule, par définition, dans le temps et pour et avec des usagers aux statuts éventuellement très différents. Il faut veiller à ce que le point focal soit traité dans chacune des situations : ce n’est pas forcément très souvent le cas, mais le point focal peut changer, évoluer.

Un exemple que nous aimons beaucoup utiliser chez User Studio est celui du Vélib, parce qu’il est très connu et simple à comprendre même lorsqu’on n’est pas utilisateur. Dans le cas du Vélib donc, selon qu’une personne est abonnée ou au contraire non-utilisatrice, le point focal n’est pas le même : les non-utilisateurs·trices vont nécessairement s’intéresser à la borne et son interface qui permettent de « rentrer » dans le service, payer, consulter les informations (l’« onboarding » au sens large), quand naturellement les abonné·e·s se focaliseront sur les vélos qu’ils/elles sont susceptibles d’utiliser une fois arrivé·e·s à une station, et moins souvent sur la borne et son interface. La perception de l’un ou l’autre des deux points focaux peut radicalement influencer la perception globale du service, et imprimer une signature de marque totalement différente.

La perception de l’un ou l’autre des deux points focaux peut […] imprimer une signature de marque totalement différente.

RATP – Le Syspad du RER A

Informer les franciliens en temps réel

Un autre exemple que nous aimons mettre en avant parce qu'il est pédagogue, toujours dans le domaine de la mobilité, est celui du Syspad du RER A sur lequel nous avons travaillé : ce grand écran fournit de l’information dynamique sur les quais des gares de la RATP aux plus de 1 million de voyageurs quotidiens du RER A. Le service a beau être largement délivré, en matière de points de contact, par les conducteurs·trices de trains et leurs voitures, les sièges que l’on y trouve, les tunnels dans lesquels on circule, etc., l’un des points focaux absolument majeurs de l’expérience du RER A désormais est ce fameux écran sur lequel les paires d’yeux vont se poser très fréquemment en attendant le train, parce que l’écran fournit des informations particulièrement pertinentes et rassurantes pour les voyageurs·geuses : vers où va le prochain train, quand arrive-t-il, où s’arrête-t-il ?

Design de service digital : le ciment, et une expertise incontournable

Le design de service digital n’est pas tant une spécialité dans la spécialité qu'une caractéristique commune à une immense majorité des services contemporains : les points de contact digitaux sont devenus en l’espace de quelques années le ferment et le ciment incontournables de l’écrasante majorité des services. Ils diffusent à travers presque toutes les expériences, structurent leur création et leur mise en œuvre.

les points de contact digitaux sont […] le ferment et le ciment incontournable de l’écrasante majorité des services

Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un projet de service bénéficie de subsides pour la réalisation d'un point de contact digital, avant même que la démonstration ne fut faite de la potentielle adoption dudit service : on fait quelque chose, on teste, on réessaie, etc. Build fast, fail fast.

Nous l’écrivions en introduction : il faut absolument soigner la dimension digitale de l’écrasante majorité des services contemporains. Cette dimension occupe une place à part dans le design des points de contact de ces services, parce qu’elle constitue le « ciment » qui mettent en relation les humains, entre eux et avec les choses qui font le service. C'est une expertise incontournable.

C'est une expertise incontournable.

Des compétences spécifiques

Incidemment, le design de services digitaux requiert dans les équipes modernes de design de service des compétences pointues en UX/UI design, visual design et/ou direction artistique digitale et autant que possible en creative technologies. Il faut en effet réunir la capacité à structurer des architectures d'information de services numériques complexes (UX design), à en dessiner les écrans dans les moindres détails (UI design) sans oublier d'en créer les univers et UI kits (visual design). Sans oublier non plus de se donner les moyens de réaliser des maquettes et prototypes numériques aux niveaux de réalisme extrêmement variés, avec des modalités interactives tant classiques que complètement incongrues.

User Studio × Centre Pompidou — Tapioca toys, le son au bout des doigts, 2019

Une manière bien rodée d'aborder les projets

Lorsque l'on met en œuvre une démarche de design de service digital, on se promène sur des sentiers battus et rebattus depuis plusieurs années et c'est tant mieux (l'on peut d'autant mieux se concentrer sur le projet plutôt que sur la méthode) : la User Research, les logiques de wireframes et plus récemment les Design Systems ont été popularisés par des UX designers, même s'il s'agit en grande partie de récupérations issues d'autres domaines (socio-ethno, architecture…).

En retour, l'apport des designers de service, par la nature holistique du métier, est extrêmement fécond et contribue à renouveler la pratique de l'UX/UI design.

Pour aller plus loin