Le rapport que la société entretient avec la santé mentale a changé annonce Aude Caria, directrice de Psycom.
Son vocabulaire en témoigne. Les patients de la psychiatrie, désormais nommés "usagers" des services de santé mentale, ne sont plus réduits à ce qui les caractérisaient autrefois : dépression, trouble bipolaire, schizophrénie, etc. Depuis une vingtaine d’années, les personnes réputées vivre avec des troubles psychiques sont de plus en plus nombreuses ce qui légitime plus encore la mission de Psycom.
Psycom c'est quoi ?
Créé en 1992, Psycom était issu de la volonté des hôpitaux psychiatriques parisiens d’informer les médecins généralistes sur les lieux publics de consultation psychiatrique. En 2013, Psycom étend ses services aux acteurs de l’Île de France. A partir de 2015, Psycom opère une double évolution : en développant sa mission d’information sur les soins psychiatriques vers la promotion de la santé mentale et en proposant ses services à l’échelle de tout l’hexagone. Plus large mais aussi moins connaisseur, ce nouveau public exprime des besoins plus spécifiques et de nouvelles façons de communiquer. Pour Aude Caria, cette expansion au niveau national a été un moment de bascule dans la stratégie de Psycom :
Nous avons dû remettre en perspective ce qu’était Psycom et se questionner sur la façon dont nous allions nous inscrire dans ce mouvement-là, après 25 ans d’activité.
Aude Caria a alors eu l’idée de faire appel à nos services : “Ces modalités de construction de services basées sur l’usage, c’était aussi ce que l’on essayait de faire. En effet, pour construire nos outils et nos actions, nous utilisons une méthode de co-construction, en prenant en compte le savoir et l’expérience des personnes qui vivent avec des troubles psychiques“.
Une intervention peu classique de User Studio
Chez User Studio, notre métier est de concevoir. En façonnant des produits, en élaborant des maquettes, en confectionnant des interfaces : de nouveaux services naissent entre les mains de nos designers. Ce qui a changé avec le projet Psycom, c'est que nous avons repensé un service déjà existant afin d’aider l’équipe à définir un nouveau positionnement.
Mais alors, pourquoi passer par le design pour un projet de “positionnement” ?
Un organisme, public ou privé, répond à une mission. Les services qu’il offre sont l’incarnation de sa mission, le prolongement concret de son positionnement. Aussi, dès la phase de positionnement stratégique, le design doit entrer en jeu.
Depuis plus de 10 ans, notre expérience dans la création de visions stratégiques pour les opérateurs de services contemporains couplée à notre expertise de la santé nous ont conduit à collaborer avec Psycom.
L’enjeu stratégique de cette nouvelle identité est double : cibler, hiérarchiser et prioriser les contenus et missions de Psycom dans le présent, pour lui permettre de mieux se projeter dans le futur.
Aider Psycom à y voir plus clair sur son écosystème
L’enjeu premier du travail avec Psycom était d’inciter l’équipe à prendre du recul sur ses propres services et sur son écosystème. Il fallait rendre les liens avec ses partenaires visibles et compréhensibles pour tous. Vaste programme car Psycom interagissait, même avant 2015, avec de nombreuses entités et à destination de publics variés.
Comment replacer les usagers au centre de toutes leurs attentions ? Il s’agissait de détacher l’image qu'avaient les membres de Psycom de leur propre structure, et ainsi, les recentrer sur leurs nouveaux objectifs nationaux et les besoins de leurs nouveaux publics : la prévention des troubles psychiques et le soin de la santé mentale. C’est avec un atelier collaboratif que nous avons commencé ce travail : “J’ai gardé pendant longtemps la carte de notre écosystème affichée dans mon bureau. Cette étape-là a été cruciale pour rendre visible les choses que l’on faisait, nos valeurs, nos partenaires, tout en créant du lien entre ces différents éléments” nous raconte Aude Caria.
C’était comme si on avait démonté pièce par pièce le Psycom en le mettant à plat […] en le déconstruisant et en le reconstruisant autrement cela a donné du sens à ce que l’on faisait.
L’organisme public interagit avec de nombreux partenaires, privés, publics, associatifs, professionnels… Chacun possède un écosystème qu’il convient de décrypter. Le genre de relations qui en découle ainsi que la nature du public concerné reflètent incidemment le positionnement global de Psycom. “La réflexion avec User Studio a permis de prendre conscience et de visualiser vraiment vers où on allait. Cela a été un réel enjeu de positionnement que de passer d’un fonctionnement très psychiatrico-centré [s’adressant aux usagers des services de santé mentale] à l’information de toute la population. Notamment sur le message clé : nous avons toutes et tous une santé mentale, on peut en prendre soin et elle évolue tout au long de la vie”.
Visual mapping reflétant l'écosystème de Psycom, disponible dans lesguides de santé mentale
La réflexion avec User Studio a permis de prendre conscience et de visualiser vraiment vers où on allait. Aude Caria, directrice de Psycom
Donner de la visibilité à ce positionnement grâce aux supports de communication
Après tout le travail sur l'écosystème, l’étape suivante pour Psycom était de transposer ce positionnement sur leurs outils déjà existants. Naturellement, la visibilité du positionnement devait se faire principalement via leur site Internet, qui deviendrait une vitrine de leurs contenus, accessible à tous. Sans mettre de côté les autres services de Psycom, nous avons poussé la stratégie et l’incarnation du positionnement dans l’outil de communication numérique :
Le travail avec les personae nous a permis de mieux cerner comment les gens utilisaient nos services, ce qu’ils trouvaient, ce qu’ils ne trouvaient pas et ce qui leur manquaient ー notamment de savoir où trouver de l’aide.
“De la prise de conscience à la réalisation des ressources, nous avons compris que nous devions aider les gens à se repérer, à s’orienter dans les soins et que c’était vraiment un besoin des usagers. Ces éléments se retrouvent d’ailleurs au niveau de l’arborescence de notre site Internet", renchérit Aude Caria.
En effet, les visiteurs peuvent désormais trouver de l’aide facilement, notamment via l’onglet “s’orienter” et les boutons d’accès directs en page d’accueil de psycom.org
Une nouvelle charte graphique a ensuite été façonnée par David Lopez, graphiste, avec lequel nous avons collaboré pour que le positionnement reflète toutes les valeurs établies précédemment. Dès l’arrivée sur la page d’accueil de psycom.org, on peut d’ailleurs lire “une ressource nationale pour que la santé mentale devienne l’affaire de toutes et de tous”.
Le fait d’avoir repensé le positionnement d’une structure déjà établie a permis d’aligner les dispositifs existants avec les nouvelles missions de Psycom. C’est l'élément le plus étonnant de ce projet : de ne pas avoir conçu de nouveaux services mais d’avoir redéfini collectivement un cap pour que l’équipe puisse proposer des services plus adaptés à l’avenir.